Transports en commun
Chaque matin tu es à l’arrêt dans le noir
Les mains gelées dans les poches
Tu suis du regard les voitures et leurs phares
Tu attends patiemment que le bus approche.
Tu fais signe de loin au chauffeur
Pour qu’il s’arrête à ta hauteur
Les portes s’ouvrent et tu montes
Tu dis bonjour, tu souris sans honte.
Tu montres ton ticket à cet œil mécanique
Et tu cherches une place, souvent la même systématique
Tu les vois, les passagers quotidiens
Immobiles, insensibles, assis comme des chiens.
Parfois tu ne trouves même pas de siège vide
Alors tu cherches un petit coin, souvent minuscule,
Et tu te coinces entre deux corps qui te bousculent
Quand le freinage est inattendu et rapide.
Tu ressens alors la promiscuité
Pour ne pas dire l’intimité
De l’autre, son odeur ou son parfum
Mais la connaissance prend ici fin.
Par la vitre tu t’évades chaque fois
Pour éviter ces regards lointains et froids
De temps en temps, un sourire se dessine
Sur le visage d’un habitué de la ligne.
Ces jardins, ces façades, ces croisement qui se suivent
Tu les connais par cœur, tu les parcours et les esquives
Sans même plus y prêter attention
Absorbée par l’écoute de tes chansons.
Tu t’attaches aux paroles et tu vis en vrai,
En live : Les villes de grande solitude,
Et tous ces mots te transportent dans le passé
Dans le présent, dans l’avenir ou l’inquiétude.
De temps à autre, tu t’attardes sur ces visages fermés
Encore tout ensommeillés, le plus souvent fatigués
Tu les reconnais tous car ils te semblent familiers
Car de chacun d’eux tu connais l’arrêt.
Comme toi, ils sont perdus dans les oreillettes branchées
Tu te demandes ce qu’ils peuvent bien écouter.
Pour certains, tu n’as pas à te le demander
Car ils mettent à fond leur musique excitée
Sans s’occuper des autres et de leur tranquillité.
Dans les yeux tu lis parfois la crainte non dissimulée
Inhérente aux grandes villes et leur insécurité.
Tu lis aussi la peur tangible de louper
La correspondance ou d’arriver en retard pour pointer.
Tous ces gens que tu côtoies chaque jour,
Savent-ils qu’ils font partie de ton univers ?
Et que, mine de rien, leur présence ou leur contour
Prend son importance dans un décor imaginaire.
Mais, au fond, qu’avez-vous en commun
Si ce n’est que le même chemin
Avec une descente ou une montée chacun
En attendant la même chose le lendemain ?
Ah, oui ! j’oubliais : le transport en commun
Qui emporte à son bord des anonymes humains
Qui empruntent des numéros anodins
De lignes de bus ou des noms d’arrêt bien urbains.
Et le soir, après la journée de travail accomplie ?
Tu reprends la même chose à l’envers,
Comme si tu inversais le décor de verre
Et tu dis bonsoir au chauffeur, et merci.
AMBre, 18 décembre 2010
Superbe texte, tout en finesse et délicatesse pour décrire ce quotidien de milliers de personnes, à la fois terrible et émouvant. Le clip donne à l'ensemble du recul, légèreté et humour : bravo !
RépondreSupprimerCe texte m'a...transporté.
RépondreSupprimerBravo!!
Christophe : sincèrement merci !
RépondreSupprimerDenis : merci, je connais pourtant ton aversion pour les voyages en commun !
Il n'est pire solitude que dans la foule....
RépondreSupprimerIl m'arrive de prendre le métro et surtout le RER à des heures où ils sont pleins ou à d'autres où ils sont vides, cependant parfois on établit une connivence, un échange de regard avec une personne que l'on en croisera sans doute jamais plus...
Ah j'y pense, lorsque nous avons été chez le notaire pour signer l'acte de vente de notre appartement, le vendeur m'a dit qu'il pensait me connaitre car il m'avait déjà vue : il était chauffeur de bus !
RépondreSupprimerJ'espère que mon sosie avait été sympa avec lui tout au long des années où ils se sont peut-être croisés et qu'elle le saluait en montant et descendant !
Ce que tu dis est très juste, car parfois un échange de regards et de complicité dans un contexte qui se veut plutôt lourd change tout, et la journée du coup se transforme !
RépondreSupprimerJ'aime bien car tu me racontes toujours des anecdotes dans tes commentaires, et cela me réjouit. Si ton vendeur a la chance d'avoir croisé régulièrement une passagère discrète et richissime, peut-être héritera-t-il un jour, à sa grande surprise ! C'est arrivé, et j'avais été très émue par cette belle histoire, la réalité quotidienne peut parfois (mais rarement) ressembler à un conte de fées.
P.S. : j'ai un immense respect pour ces femmes et hommes qui conduisent les bus, et je suis choquée quand j'apprends que l'un deux s'est fait agresser.
La semaine dernière, je me suis déplacée avant de sortir du bus pour aller remercier et féliciter le chauffeur qui avait fait preuve tout au long du trajet d'une extrême gentillesse et de sollicitude pour ses passagers. Ils sont tous gentils et serviables, mais là, cet homme sortait du commun justement, et je n'ai pas pu m'empêcher de le lui dire, car il faut dire ces choses-là, cela lui a fait du bien, je l'ai ressenti, mais cela m'a fait beaucoup de bien aussi à moi de sortir de l'anonymat. Bises, Marguerite, à bientôt !
On sent que tu y passes du temps , dans les transports en commun , mais , si ça t'inspire ce genre de textes , c'est pas du temps perdu!:O
RépondreSupprimerBravo!:)
Ambre, tu ne peux pas savoir a quel point ton post me parle. Je me suis demandé si tu m'avais déjà croisé dans mon bus quotidien. Mais non, nous vivons tous ce chemin quotidien dans nos différents monde.
RépondreSupprimerJe vais juste rajouter une image supplémentaire. Je lis les nouveaux posts le matin quand je peux m'asseoir et je les commentes. 9a fait aussi parti du voyage. Certaines personnes me regardent parfois sourire quand je découvre tes belles associations.
Pierre
J'oubliais. J'aime quand tu nous fait partager ces moments de vie.
RépondreSupprimerOu un poeme.
RépondreSupprimerAvec ton texte tu remplirais des bus qui ne marqueraient jamais l'arrêt.
RépondreSupprimerEmma : en effet, j'y passe presque deux heures par jour, et j'ai le loisir de laisser vagabonder mes pensées, qui finissent parfois en poème, comme tu le vois ici. Merci pour ton gentil compliment.
RépondreSupprimerPierre : je comprends que ce texte nous rapproche encore davantage, car je ne savais pas que tu prenais aussi le bus. Je suis touchée de savoir que mes posts t'apportent des sourires quand tu voyages. Merci.
Guillaume :aïe, aïe !!! merci, mon Ami.