Photo de Jeff Stahl Pour accéder chez lui, il vous suffit de traverser ce trottoir, vous verrez... on s'y sent bien... |
Le trottoir au soleil
- On traverse ?
- Pourquoi ?
- Pour prendre le trottoir au soleil.
Il faisait bon dans l’ombre, on ne cherche pas la chaleur. Un vrai soir d’été. Les passants se déploient dans la contre-allée, la démarche libre, pas pressés. Avant le dîner, après ? Dans la ville on ne sait jamais. Après toutes les crispations de l’hiver, les réticences du printemps, c’est bon simplement d’étirer le corps en marchant, de sentir des ébauches de translation dans les hanches, de ne plus piquer tout droit vers le but éloigné. Ce soir, c’est là, c’est maintenant que ça se passe.
Le trottoir au soleil, c’est beaucoup dire. Les immeubles d’en face ont déjà pris leur pouvoir bleu. Il reste des clairières, au débouché des petites rues traversières, une terrasse de café éclaboussée, et ce banc, juste au coin. On va s’installer là, jambes tendues, mains croisées sur la nuque. C’est drôle, les voitures ont allumé leurs phares, et le feu rouge se framboise au bout de l’avenue. A l’inverse des matins clairs où les bruits se détachent, la rumeur se fait basse, un coton flou.. On regarde le soleil en face, et puis on ferme les paupières aux premières irisations qui se mettent à danser. C’est une éternité qui va fléchir sans mélodrame, et s’endormir, plutôt que disparaître, dans la palpable persistance du bien-être. C’est une sensation encore, ce n’est plus qu’une idée. Le trottoir au soleil.
Philippe DELERM – Le trottoir au soleil. 2011
Place Vendôme - Willy Ronis - 1947 |
Magnifiques, ces photos!
RépondreSupprimerLes photos sont magnifiques, j'aime particulièrement la 1ere avec l'ombre et la lumière.
RépondreSupprimerJ'adore ce texte ! Tout comme le reste du recueil éponyme, d'ailleurs. Delerm a (enfin) renoué avec le style de La première gorgée de bière ! Merci aussi de l'avoir illustré magnifiquement.
RépondreSupprimerUlvinne : merci d'apprécier ce que je propose, car forcément c'est que j'ai adoré et que ces images restent imprimées dans mon crâne de piaf ! Merci pour Jeff.
RépondreSupprimerElisabeth : cette photo de Jeff m'a "parlé" très vite, et comme je lisais en ce moment le dernier Delerm, l'association s'est faite naturellement pour moi.
Quant à Willy Ronis, j'ai vu son expo l'an dernier à la Monnaie de Paris, c'est une de ses photos que j'ai pour toujours en mémoire.
Christophe : moi noci ! J'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver Philippe Delerm dans ses plaisirs minuscules, avec davantage de maturité, mais ils prennent une majuscule après les avoir lus. Quant aux photos que j'ai voulues pour accompagner cet extrait, je les trouve exceptionnelles...